Tahar MAZOUZ, le facteur fils de harki qui rêvait de devenir ...homme de lettres - Pertuisien.fr, la vie à Pertuis (84)


Tahar MAZOUZ, le facteur fils de harki qui rêvait de devenir ...homme de lettres





Tahar MAZOUZ naît le 15 novembre 1961 à Aumale, ville algérienne située à 107 kilomètres au sud-est d'Alger, renommée depuis Sour El Ghozlan.



Quelques mois plus tard, alors qu'est proclamée l'indépendance de l'Algérie, son père décide d'emmener une partie des membres de la famille en France, où ils vivront - passage obligé pour les harkis - dans les camps de Rivesaltes (c'est là que naît son premier frère) puis de Manosque avant de s'installer à Pertuis au milieu des années soixante.


Vue de la Rue Beaujeu
© 2005-2007 Raymond Gibert.


Nous avons vécu dans la rue BEAUJEU pendant plus de vingt ans, avant que mes parents ne migrent (décidément !) vers le lotissement du Gué à l'âge de la retraite.

J'ai fréquenté l'école primaire, puis le collège Marcel PAGNOL, et j'ai fait mon secondaire au lycée Ismael DAUPHIN à CAVAILLON en internat.

A bac + 3 ...mois, je déserte la Fac de droit d'AIX pour intégrer les PTT à PERTUIS comme auxilliaire. C'est à cette époque que je rencontrerai les Sieurs BARONE, LAUGIER, CASTEL, MARTINEZ, TEBOUL, KUNSEWWITZ, par l'entremise de Patrice BAGNOL, comparse d'internat et déjà saltimbanque dans l'âme.

Ce fut le début de l'orchestre local, nommé au départ "GARAGE", et qui a connu ses heures de gloire sous l'A.O.C "TRANSALT", une formation qui a compté plus de dix musiciens, âgés de 18 à 25 ans ; un phénomène dans les années 79/87.

Je suis parti comme engagé volontaire Outre-Mer en 1983 et, de retour en 1985, j'ai retrouvé la bande et la Poste jusqu'à mon mariage le 31 octobre 1987.

En 1989, départ à BOULOGNE ET BILLANCOURT après le concours des postes. Quatre ans plus tard, je suis muté à BOLLENE (84500) où je sévis depuis comme facteur et poète local.


En 2009, alors qu'il en arrêt maladie pour cinq mois, Tahar MAZOUZ rassemble ses notes et rédige ce livre après un conte poétique : "La mille et deuxième nuit".

Comme le facteur Mario du très beau film "Il postino" (film italien de Michael Radford avec Philippe Noiret et Massimo Troisi sorti en 1994), Tahar Mazouz est un amoureux de la poésie. Le facteur de cinéma vouait une admiration sans borne au poète Pablo Neruda ; celui de Bollène - bien réel, celui-là - rend hommage à Frederico Garcia Lorca en citant le poète espagnol dans le titre de l'ouvrage : "L’homme ne vit que de pain. Moi si j’avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais Un demi-pain et un livre" (Discours de Federico García Lorca lors de l'inauguration de la bibliothèque publique de sa ville natale en 1931).

Fils de harkis, chimère née d’une improbable Histoire de France encore en phase de déni, Tahar Mazouz, nous raconte par le biais de la poésie, avec une bonne dose d’autodérision, la conquête de son identité française, et son amour pour cette merveilleuse langue qu'est le français (L'éditeur).


PHOTO DES ENFANTS MAZOUZ AVEC MME ET MLLE POUGAUD PLACE PARMENTIER

Deux extraits du livre sélectionnés par l'auteur :

(tahar.mazouz@orange.fr)

« My house in the middle of the town »


Chicago, c'est le nom que l'on donnait à cette partie de la ville, peuplée d'italiens, d'espagnols, d'arabes, et de tous les exclus, le dépotoir des lavandes, la merde derrière le chant des cigales.
Rue Beaujeu, au numéro seize, une maison que mon père louait au père Dorgal, jusqu'à ce que, un dimanche, les chevaux du destin franchissent dans l'ordre la ligne d'arrivée, et fissent d'un presque squatter, un propriétaire.
Pas n'importe quelle rue tout de même, face à la maison de la” Reine Jeanne”, épouse du “Roi René”, mensonge de l'histoire puisque postérieure à l'époque, mais authentique en tourisme.

Petite anecdote:

Lors d’une de ces visite guidées, alors que par ce beau dimanche, je m’étais installé devant la maison, avec une belle pile de livres à dévorer, voici que j’ai entendu une des touristes se plaindre qu’il était bien dommage que l’on installât des monuments historiques dans de si misérables quartiers, alors qu’il y avait tellement plus de confort et de place en centre ville.

Si ce n’était….

Voilà que sa camarade de visite m’apercevant assis sur le trottoir, dit avec un fort accent parisien:

« Regardez, on dirait vraiment qu’il lit! »

Je m’attendais presque à recevoir une volée de pièces pour ce tour d’imitation.

Ma maison.
Une épaisse porte, en vrai bois, et, au dessus de la fente aux lettres, un fer à cheval cloué, ex-voto pour la chance.
Ma maison, si jamais j'en ai eu une, salpêtre et moisie, mais mienne.
En pénétrant dans la fraîcheur de ces vieux murs, j'étais tellement loin des baraquements du camp des harkis, que je n'ai pas réellement compris ce qui m'arrivait, et mon père, si fier…
Tout en bas, les chiottes, à la turque, une cave voûtée avec un puits intérieur, et deux garages, plus d'espace qu'il n'en faut pour la smala, et, sur trois étages, deux pièces par palier, puis, deux greniers, et au-dessus, au début du ciel, les toits.

Le 14 juillet, nous pouvions y accéder avec mon père, pour voir le feu d’artifice de la commune et avec la hauteur de vue, celui des villages alentour.
J'ai vécu de l’âge de quatre à six ans, dans le colimaçon de ce phare, sans mettre le nez dehors.
Encore une fois, le père avait anticipé le danger, nous sortir des bois pour nous jeter en ville, lui semblait risqué, alors, pendant de longs mois, il partait au travail, en nous enfermant avec notre mère et quand je raconte ça à mes gamins, c'est à peine s'ils me croient.
Pour moi, c'était normal, alors, je montais et descendais tous les étages, du soir au matin, et juste avant le retour de son homme, ma mère nous regroupait dans la salle du haut, calés dans un coin, rangés pour le repas, en silence.
Quand j'y repense, je trouve ça incroyable, mais c'est la comparaison qui fausse mon jugement.
Que voulez vous faire, brusquement propulsés dans un monde étranger, sans aucun repère, avec une femme à peine sortie de son ”douar”, et deux enfants en bas âge?
Les protéger avant tout, et le temps, qui a pris le sien, s'expliquera, peut-être…





« Retour aux sources »


Pertuis est un village perché sur un monticule que les livres de géographie vantent comme plateau, c'est certainement un gars du midi qui en a fait la description.
Coincé entre la Durance, et le pays d'Aix, au sud, et la vallée d’Aigues, barrée par le Luberon, au nord.
Patrie du Pitalugue de Paul Arène, que les maîtres d'antan faisaient lire aux élèves en guise de leçon de morale.
C'est la Provence de mon enfance, toute d'accent et de galéjades pétrie, les rues de mes errances et les premiers parcours de mon métier.
Le pays de l'été jaune et sec, du “cagnard” et des volets clos, à l'abri du Mistral de la vallée du Rhône, ce qui fait dire que rien n'y bouge, et sûrement pas les mentalités.
Une terre de paysans et de petits bourgeois, résidence de nantis marseillais, et aujourd'hui, cité dortoir des gens d'Aix En Provence.

En remontant le cours de la République, on tombe sur la place Mirabeau, avec sa fontaine de l'obélisque (que je prononçais: Obélix), à l'ombre du massif clocher de l'horloge, tout à côté de l'église Saint- Nicolas, un lieu typiquement provençal, cerné de quelques troquets, dont, à l'époque, le petit Nice.
De l'église, je me souviens particulièrement, un jour où, minot, je m'amusais à escalader la grille du parvis, en un aller et retour incessant, une épreuve de môme, interrompue par une violente douleur au fondement, monsieur le curé venait de m'administrer un coup de pied au cul(te), de toutes ses forces, j'en ai gardé une fêlure au coccyx, qui me prédit le changement de temps mieux qu’un baromètre.
Paraphrasant le poète, j'aurais dit:
”Sur la place Mirabeau, coule ma peine”.
Moi qui commençais à m'intéresser au phénomène religieux, et à ces hommes en noir, braves et fidèles serviteurs d'un dieu bon et généreux, en un instant, j'ai été guéri de mes illusions.
Un passant bien avisé avait félicité” l'homme-corbeau”, pour cet acte héroïque, sur un gamin de sept ans, avec ces mots:
”Décidément, ils ne respectent rien!”, ce qui finit d'ôter tout scrupule au bon pasteur.
En traversant la place, on rejoint la rue grande, et quelques mètres après la pâtisserie Cecchi, sur la gauche, on pénètre dans la rue Beaujeu, ma rue, ma zone.
C'est le début de la vieille ville, des petites voies étroites et tortueuses, flanquées d'anciennes maisons aux fenêtres garnies de linge, avec souvent, un fil tendu d'un côté de la rue à l'autre, et des petites poulies, pour manœuvrer les lessives entre voisins.
Mon territoire commence là et finit au faubourg Saint-Antoine, juste à la base du dit plateau, à la bergerie Agaccio.





Article de La Provence sur le livre

Troisième extrait (Salmigondis) et critique de l'ouvrage dans Vaucluse Matin en cliquant

ici

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Date de publication ou de dernière modification : le 29-06-2012 à 14h - Page consultée 5655 fois

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