Pertuis : ils préparent un opéra hommage

Les écoliers des classes orchestres de Marsily ont entamé depuis le début de l'année leur initiation aux cuivres et percussions.

Les écoliers des classes orchestres de Marsily ont entamé depuis le début de l'année leur initiation aux cuivres et percussions.

Photos C.B.

Aix-en-Provence

La Fondation du Camp des Milles accueillera quatre représentations en direction d'un public de plus d'un millier de collégiens et lycéens. Cet opéra rend hommage à Edgar et Ellen scolarisés dans les années 40 à Pertuis

C'est un beau projet au long cours qui se dessine entre les écoliers pertuisiens et alentour, les élèves du conservatoire, et une foultitude d'acteurs associés. Un opéra produit localement, porté par les enfants et les adultes, sur lequel les gamins vont commencer à travailler dès la rentrée de septembre et aboutira, en avril 2019, à quatre représentations à la Fondation du Camp des Milles en direction d'un public de plus d'un millier de collégiens et lycéens... Et peut-être, beaucoup plus au-delà, tant cette création mérite de voyager et être essaimée.

L'aventure est portée par Frédéric Carenco, directeur du conservatoire de musique de Pertuis, du Luberon, et Val de Durance. "Au hasard d'un hommage municipal après le décès de Simone Veil, témoigne-t-il, j'ai découvert l'histoire des enfants Mendel. J'ai eu envie de rendre hommage à ces enfants, et de viser un public jeune, pas forcément pour leur parler de la Shoah, mais pour que les gamins s'approprient le destin de ces gosses qui étaient assis il y a 75 ans sur ce banc."

Edgar et Ellen étaient scolarisés dans les années 40 à l'école Marsily, au coeur de Pertuis, qui accueille également aujourd'hui le conservatoire. C'était alors la seule école communale. Leur papa était dans un sanatorium, ils vivaient avec leur mère et ils ont été victimes d'une rafle. À l'époque, le camp des Milles avait cessé sa tragique activité de transit : ils ont été directement conduits à Auschwitz. Ils avaient trois et huit ans.

Pour célébrer leur mémoire, Frédéric Carenco a exhumé un opéra quasiment inconnu : "L'Empereur d'Atlantis", composé par Viktor Ullman sur un livret de Peter Kien en 1943, pendant leur internement dans le camp de concentration de Terezin ; ils allaient être gazés un an plus tard. C'est l'histoire d'un empereur qui édicte l'obligation de guerre entre ses sujets ; la Mort ne veut plus tuer, Arlequin intervient... Une allusion évidente à Hitler. L'opéra n'aura jamais été joué dans le camp, immédiatement censuré.

L'oeuvre, d'une heure, sera interprétée par les professeurs du conservatoire. "Avec tout au plus une quinzaine d'instruments puisque Ullman l'avait conçu avec les moyens du bord à Terezin, commente Frédéric Carenco : un banjo, un sax, une trompette... Pour les sept chanteurs, nous avons fait appel à des professionnels de la région qui devront concentrer leur répétition directement en résidence aux Milles en une semaine." Quant au metteur en scène, c'est un ami qui officiera : Bernard Grimonet qui a notamment officié pour "L'Opéra au village".

Là où intervient une centaine d'enfants, c'est pour le projet de court-métrage, projeté en prologue pour situer la pièce et son contexte. Le film de sept minutes évoquera les lieux de la dramaturgie, mettra en scène des enfants. Paroles et musiques d'un chant hommage à Ellen et Edgar seront écrites et chantées par les écoliers de Marsily à partir de la rentrée. L'accompagnent musical (125 musiciens) sera assuré par les classes orchestres de l'école ; du collège Marcel-Pagnol de Pertuis, de Saint-Maximin, de l'Harmonie Durance Luberon - des adultes, donc, souvent des papys, qui endosseront le rôle de parrains-, et de jeunes guitaristes de la communauté gitane. Et déjà depuis quelques mois, les écoliers qui n'avaient jamais joué de musique répètent à l'école avec ferveur cuivres et percussions. Dans une belle vitalité enfantine qui aurait pu être celle d'Ellen et Edgar.